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Les Meulières de la Molière

L’entrée d’une meulière

Cette carrière a la forme d’une grotte régulière de 14 mètres d’ouverture, 10 mètres de profondeur et 2,80 mètres de hauteur maximale. Tout autour de la grotte, 11 emplacements de meules sont visibles.

Les carrières de  » la Molière  » ont été creusées à la base d’un affleurement montagneux qui s’étend sur plus de 200 mètres. Pendant des siècles, ces conglomérats qualifiés de grès (roche sédimentaire formée de grains de sable réunis par un ciment siliceux ou calcaire) ou de la molasse (grès tendre à ciment calcaire) ont été exploités.Ces conglomérats se sont formés par sédimentation sur le fond marin puis ont été soulevés par le surgissement des Alpes.

Historique

L’intérieur, avec l’emprunte dans la roche des meules.

La meule (partie broyeuse cylindrique du moulin) est fondamentale dans l’économie rurale depuis le Moyen-Age jusqu’au début du 19e siècle. Le travail de la pierre est apparu dès l’Antiquité Romaine dans notre région. La fabrication des meules est tout à fait liée à l’installation des moulins à eau sur les torrents de notre pays au cours du Moyen-Age et à la nature des productions agricoles dominantes.
L’essor des moulins à eau s’amorce à partir du 10e siècle : la Menoge alimentait en force énergétique des moulins à eau au moins depuis le 13e siècle. Les meulières étaient vendues au plus offrant. Il fallait faire au moins 100 meules par an pour que cela soit rentable.
Au 19e siècle, les pâturages vont s’étendre au détriment des cultures de céréales. Le nombre des moulins à eau diminue, la meule est remplacée par des cylindres pour broyer le blé .D’autre part, après l’annexion de la Savoie à la France, les célèbres meules de la Ferté-sous-Jarre (région parisienne), plus résistantes et moins chères, seront les plus convoitées, d’autant que le chemin de fer facilitait le transport de celles-ci.

L’extraction

L’extraction des meules de grès s’est faite de manière assez inégale selon les endroits (la hauteur et la profondeur sont d’environ 4 mètres lorsque la roche est de bonne qualité, dans certains cas elles peuvent même aller jusqu’à 7 mètres).

Technique

Le tailleur de pierre a comme outil principal le ciseau d’acier ou burin. Il possède aussi le pic, la broche, la masse, le maillet, le compas, les coins de sapin ou de fer. Les meules sont d’abord dessinées grâce au compas puis  » détourées  » au burin dans le banc de rocher. Partant toujours du haut pour dessiner latéralement le contour de la meule, les sillons de  » détourage  » ont laissé dans la roche les griffures franches des coups de burin. Par la suite, des coins de sapin étaient introduits dans ces sillons de  » détourage  » : il suffisait alors de les mouiller et en gonflant, ils provoquaient le détachement de la meule de la paroi.
Certains utilisaient d’autres techniques : après avoir tracé le cercle délimitant la future meule, des trous étaient percés sur celui-ci tous les 10 centimètres environ. Des coins de fer et des coins de bois étaient alternativement introduits dans ces trous pour détacher la meule. Les coins de fer étaient frappés à coups de masse et les coins de bois étaient mouillés comme pour la technique précédente.
On peut voir les traces laissées par les coins le long du contour de la meule qui a été enlevée.
Il n’était pas facile de descendre les meules car les meulières surplombent des escarpements parfois très raides. On la faisait glisser à plat le long des pentes en la retenant par des cerclages ou en la faisant rouler sur des rondins. Dès que l’on arrivait sur une piste, on la mettait sur un traîneau tiré par un mulet puis, arrivée au chemin, elle était hissée sur un char mené par des bœufs ou des chevaux.
Il fallait deux jours pour faire une  » conche  » (pierre taillée en auge sur laquelle tourne la meule du broyeur de fruits) .
En 1842, une meule valait 25 francs.

Produits tirés des Meulières

La principale production était celle des meules de moulin (diamètre 0,90 à 1,50 mètres et épaisseur de 30 à 40 centimètres). La partie broyeuse du moulin se compose de 2 éléments reposant l’un sur l’autre, face contre face (comme l’on peut voir sur le dessin ci-dessous) :

  • Une meule inférieure ( meule  » dormante « )
  • Une meule supérieure ( meule  » tournante « ).

Schéma : le moulin à meules

Autre production : la meule pour broyer le fruit.
Le broyeur de fruits à cidre se compose également d’une partie fixe : la  » conche « , et d’une partie mobile, la meule proprement dite qui roule sur sa tranche.

Schéma : meule broyant le fruit.

Au 19e siècle, cette activité s’est éteinte pour deux principales causes :
La concurrence des meulières situées dans d’autres sites.
Le poids de la fiscalité locale sur les charges d’exploitation des carrières.

De nos jours, on peut encore admirer quelques meules servant de décoration dans nos jardins

Les meulières : patrimoine historique

Extrait du bulletin municipal de 2012

le plancher découvert lors de la fouille (été 2011)

Les Meulières des rochers « des Balmes » et de « Roche Parée » près de « La Molière », avec le « Mont Vuan », sont d’après Alain Belmont, professeur d’histoire moderne à l’Université Pierre Mendès France de Grenoble, les plus beaux et plus importants sites d’extractions de meules de moulin en Europe.
Aux carrières de « La Molière », des meules étaient déjà taillées dans les années 1220-1230, sous le règne de Saint-Louis, selon datation au carbone 14. Leur taille a varié au fil des époques. Elles pouvaient aller jusqu’à 1,80 m et même 2,00 m de diamètre. Plus elles étaient petites, plus elles étaient anciennes et remontaient à l’époque romaine. La silice qui entrait dans la composition de la roche, faisait qu’elle était reconnue de bonne qualité. Le rocher de carrières de certaines régions de France, trop tendre, perdait ses grains dans la farine et détériorait la dentition des humains. Dans le « Mont Vuan », situé sur les territoires des communes de Viuz-en- Sallaz, Fillinges et Saint-André de Boëge, puis le rocher « des Balmes » et « Roche Parée » à la Molière, 72 sites d’extraction ont été répertoriés, d’où estime-t-on, plusieurs centaines de milliers de meules auraient été sorties. Il est incontestable qu’au point de vue économique cette activité représentait une richesse pour les carriers qu’étaient les Vachat, les Reymermier, les Brestaz et autres, car une bonne meule extraite, livrée et installée au moulin valait une fortune (l’équivalent du prix d’une maison). Il est vrai que détacher une meule « détourée » dans le rocher et l’acheminer jusqu’au moulin où elle devait fonctionner représentait un vrai travail de titan. C’était à ce stade-là que la garantie était terminée et le paiement réalisé. Le transport s’effectuait sur un chariot appelé « fardié », tiré souvent par 4 chevaux et 2 bœufs (selon gravure de l’époque).

 

la meule découverte en 2011

Le travail de recherches et de fouilles, réalisé par l’équipe du professeur Alain Belmont dès 1996-1997, a été finalisé par le classement en date du 5 février 2009 de « Monument Historique » par le Ministère de la Culture de la parcelle A2072 (contenance 2 ha 83 a). Les fouilles du site de « La Molière » ont permis de mettre à jour une meule de 91 cm de diamètre et de 320 kg. Récupérée, cette meule a été mise en lieu sûr, pour être périodiquement visitée.

Gaston Ruhin

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